Les EPHAD et les délimitations de la dotation financière
Date de publication: 10-10-2011Ces principes, énoncés par la loi de 1997 instituant la prestation spécifique dépendance puis repris dans la loi du 20 juillet 2001 relative à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), viennent d'être sérieusement mises à mal par un arrêt du Conseil d'État du 30 septembre 2011.
Dans cet arrêt, la Haute juridiction refuse que soient imputées sur les tarifs dépendance d'un établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) les fonctions de surveillance et d'accompagnement des agents de services hospitaliers. Cette affaire oppose l'Association de résidences pour personnes âgées dépendantes (ARPAD), qui gère 17 EHPAD, dont la résidence Arpage de Latour-Bas-Elne, et le département des Pyrénées-Orientales où est situé l'établissement. Le litige débute en fin d'année 2002 et porte sur l'application du mécanisme transitoire de tarification prévu par la loi du 20 juillet 2001.
Le financement des EHPAD repose alors sur trois tarifs : un forfait global de soins pris en charge par l'assurance maladie, le tarif hébergement à la charge de la personne âgée et subsidiairement de l'aide sociale et enfin le tarif dépendance supporté par la personne âgée et pris en charge au titre de l'APA.
C'est sur ce dernier que porte le contentieux. Dans son budget prévisionnel, l'ARPAD demandait au titre de la dépendance la prise en compte d'un effectif de 30,77 équivalents temps plein (ETP) sur des fonctions principalement d'agents de services et d'agents de services hospitaliers.
Mais le conseil général des Pyrénées-Orientales ne retient que 15 ETP.
L'association conteste cette décision devant le tribunal inter régional de la tarification sanitaire et sociale (TITSS) qui fait droit à sa demande à ce titre en censurant l'évaluation faite par le département des besoins en personnel. Le conseil général fait appel et obtient à son tour gain de cause devant la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale (CNTSS), le 26 juin 2009.
L'affaire est portée jusqu'en cassation où le Conseil d'État, dans un arrêt du 30 septembre dernier, rejette les demandes de l'association et valide l'abattement pratiqué.
Fondements juridiques:
En vertu de l'article 5 du décret n°99-316 du 26 avril 1999, applicable en l'espèce, le budget de l'établissement est présenté en trois sections d'imputation dont les charges et produits sont présentés séparément sur la base notamment de tableaux figurant aux annexes du décret.
Il résulte de l'annexe IV-1 (devenue l'annexe 3-2 du code de l'action sociale et des familles) que les charges de personnels afférentes aux agents de service (AS) et agents des services hospitaliers (ASH) affectés aux fonctions de blanchissage, de nettoyage et du service des repas sont réparties à raison de 30 % sur la section tarifaire relative à la dépendance et pour 70 % sur celle afférente à l'hébergement.
La CNTSS, dont l'analyse est confirmée par le Conseil d'État, fait une lecture restrictive de ce texte.
Il estime en effet que la section budgétaire dépendance ne peut se voir imputer tout ou partie de la masse salariale des AS et des ASH qu'à la condition qu'ils soient affectés aux seules tâches précédemment citées.
L'association fait valoir que le fonctionnement de l'établissement justifiait l'emploi de personnels de service amenés à accomplir auprès des résidents des prestations excédant les seuls besoins de blanchissage, nettoyage et services de repas. Elle soulignait en effet que les ASH, appelés en ARPAD "auxiliaires de vie", interviennent dans le cadre d'une fonction unique sur des tâches certes d'entretien des locaux mais également d'accompagnement et d'aide dans les actes de la vie quotidienne des personnes âgées, à l'exclusion des actes de soins réalisés par les aides-soignants en collaboration avec les infirmiers. Mais ces arguments ont été rejetés en appel et en cassation, au risque de fragiliser le projet associatif de l'ARPAD et de reporter lacharge sur l'usager.
Remarque : les dépenses non assumées par les tarifs dépendance et soins ont en effet vocation à être prises en charge sur le tarif hébergement et n'est donc pas compris dans l'assiette de la dotation financière des EPHAD.
Concernant les besoins de fonctionnement ?
La Haute juridiction administrative écarte également un autre argument susceptible d'impacter cette fois le projet de vie de l'établissement : celui relatif à l'adéquation du nombre de personnel par rapport aux besoins de fonctionnement de l'EHPAD.
Elle estime que le département était fondé à arrêter le chiffre de 15 ETP en référence aux besoins moyens en agents de service des établissements conventionnés du département sur les trois fonctions en cause. Peu importe en l'occurrence les spécificités de fonctionnement de l'établissement qui est organisé sur 7 unités de vie accueillant 80 résidents très dépendants (GMP supérieur à 750) sur une superficie de 5 200 mètres carrés.
Cette analyse semble incohérente avec la qualité de soin attendu pour chaque personne résidant dans un EPHAD!!!!
Comme le soulignent les conclusions du rapporteur public auprès du Conseil d'État, "toute la question [était] donc de savoir si, en prévoyant une telle clé de répartition pour les charges salariales des personnels [sur les fonctions de blanchissage, nettoyage et service des repas], le décret de 1999 a entendu exclure du tarif dépendance toute autre charge salariale relative à ces personnels ou s'il faut considérer que, s'agissant des charges relatives à d'autres fonctions pouvant être exercées par eux, il conviendrait de revenir aux règles littérales de répartition des charges entre les trois tarifs posées aux articles 3 et suivants du décret de 1999". Le Conseil d'État retient la première analyse, estimant que le tableau figurant en annexe du décret "a la même valeur réglementaire que les autres dispositions de ce décret".
Cette position n'est pourtant pas logique.
D'une part, la Convention collective du 31 octobre 1951, applicable en l'espèce, prévoit que les agents hôteliers spécialisés exécutent leurs tâches au contact des usagers ; de même les auxiliaires de vie, qui interviennent en principe au domicile de la personne âgée, mais désormais employées par certains EHPAD, ont pour mission de réaliser une intervention sociale visant à compenser l'état de dépendance ou de difficultés liées à l'âge par une aide à la vie quotidienne.
D'autre part et surtout, l'article 3 du décret de 1999, dispose que "le tarif afférent à la dépendance recouvre l'ensemble des prestations d'aide et de surveillance nécessaires à l'accomplissement des actes essentiels de la vie, qui ne sont pas liées aux soins que la personne âgée est susceptible de recevoir".
La légalité du décret.
"Nous ne sommes pas convaincus de la légalité de ce tableau", indique clairement le rapporteur public. Il met en exergue l' erreur manifeste d'appréciation dont est entaché ce texte au regard des dispositions législatives relatives à l'allocation personnalisée d'autonomie.
Cette prestation a vocation en effet à couvrir les besoins des personnes qui "ont besoin d'une aide pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie ou dont l'état nécessite une surveillance régulière".
Malgré cette incohérence des textes, l'exception d'illégalité, procédure permettant d'obtenir l'annulation des décisions individuelles prises en vertu d'un acte réglementaire entaché d'illégalité, n'a jamais été soulevée au cours de ce litige.
Elle pourrait l'être néanmoins à l'occasion d'un autre contentieux.
Gérer le budget d'un EPHAD et savoir ce que la dotation financière au titre des personnes âgées dépendantes permet de financer, n'est donc pas chose aisée...