04 68 26 36 36

Les avocates du couple : "C'est une famille où il y a énormément d'amour"

Les avocates du couple : Date de publication: 15-11-2018

"C'est magnifique et c'est une très belle victoire. C'est une décision inédite, et c'était la première fois qu'une juridiction devait se prononcer en droit et en fait sur un tel cas", se félicite Me Aude Denarnaud, du barreau de Carcassonne, qui est l'une des deux avocates du couple. 

Claire et Marie ont obtenu ce mercredi 14 novembre de la cour d'appel de Montpellier une décision qui est une petite révolution dans le droit français de la filiation : Claire, qui était auparavant un homme et a changé de genre, a réussi à être inscrite comme "parent biologique" sur l'acte de naissance de leur troisième enfant, né après que Claire soit reconnue officiellement comme femme.

"Leur troisième enfant est un véritable bébé de l'amour"

"Ce qu'il faut avant tout souligner, c'est que Marie n'aime pas un genre, mais aime une personne, Claire. Ele a aimé cette personne lorsqu'elle était un homme, et elle l'a accompagnée et soutenue dans toutes les étapes de ses évolutions. Il y a eu dans cette famille énormément d'amour, et le troisième enfant qui est né est un véritable bébé de l'amour. Même si cette famille peut paraître curieuse aux yeux de certains, c'est une vraie famille" ajoute l'avocate audoise, qui représente Marie.

"C'est un pas très important qui a été franchi" insiste Me Clélia Richard, l'avocate de Claire. "Pour Claire, ce qui est décisif, c'est que sa filiation soit reconnue. Elle m'a dit qu'elle se sentait rassurée, car elle vient enfin d'obtenir officiellement l'autorité parentale sur son enfant", né en 2014. "Jusqu'à présent, elle n'avait aucun lien juridique avec cet enfant. Si Claire décédait, l'enfant n'aurait jamais hérité d'elle. Si Marie décédait, Claire n'avait aucun droit sur leur enfant."

Née femme dans un corps d'homme

Pour Claire, la solution, proposée par l'avocat de l'Union des affaire familiales (UDAF), Me Pierre Paliès, qui demandait à ce qu'on inscrive dans l'état civil de l'enfant que son père est une femme était inenvisageable. "Pour elle, cela aurait été très violent. Cela serait revenu à anéantir son changement d'état-civil" insiste Me Richard. "Il faut comprendre que ma cliente est née dans un corps d'homme, mais s'est toujours considérée et ressentie comme étant une femme. La loi et la société ont considéré ces dernières années qu'il fallait écouter ces personnes qui se vivent comme étant du sexe opposé. Tout cela est une réalité humaine complexe, extrêmement délicate, qui secoue l'individu, leur famille, les familles de l'une et de l'autre.Il faut continuer à les écouter."

Dès lors, l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier peut apparaître comme une véritable innovation, pour combler un réel vide juridique.

"Rien n'est fixé pour les enfants"

"En France, on a le droit de changer de sexe, mais la loi n'est pas allé au bout des choses. Une personne qui a changé de sexe a le droit de procréer, mais les conséquences juridiques ne sont pas du tout réglées: rien n'est fixé pour les enfants. Cet arrêt corrobore aussi le droit à la différence, et je salue le travail des magistrats de Montpellier, car on leur a demandé de s'immiscer à la place du législateur, dans l'intérêt de l'enfant " souligne Me Denarnaud.

"Cette nouvelle catégorie de "parent biologique" sera peut-être étendue" imagine Me Richard. "Peut-être qu'à l'avenir, on ne parlera plus de père et de mère, mais de "parent biologique" pour tout le monde".

L'évolution de la société, les possibilités ouvertes par le changement de sexe, le mariage pour tous, la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples du même sexe, voire la gestation pour autrui (GPA) vont amener les députés et les sénateurs à faire évoluer au cours des prochains mois les textes concernant le droit de la famille. On verra alors si l'arrêt rendu ce mercredi par la cour d'appel de Montpellier est un texte précurseur, destiné à faire jurisprudence, ou si la solution qu'il propose sera finalement écartée par le législateur.

FRANÇOIS BARRÈRE

Article original publié sur le Midi Libre:
https://www.midilibre.fr/...-a-enormement-damour,4860263.php