La responsabilité pénale des EPHAD : arrêt en date du 4 octobre 2011
Date de publication: 22-11-2011Les incidents survenus dans les maisons de retraite sont souvent cités dans l'actualité. Au regard de la fragilité des pensionnaires, le moindre dysfonctionnement peut en effet très vite virer au drame. Pour autant, la responsabilité pénale des gestionnaires n'est pas toujours retenue par les juges.
Une résidente d'un EHPAD, apparemment atteinte de la maladie d'Alzheimer, décède des suites graves de brûlures occasionnées par l'ouverture du robinet de sa douche. La famille porte plainte contre l'établissement et este en justice pour établir la responsabilité pénale pour homicide involontaire de l'établissement.
Le juge d'instruction rejette la culpabilité de l'EHPAD dans une ordonnance de non-lieu confirmée en appel et en cassation.
Il paraît donc indispensable de retracer les conditions dans lesquelles les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) peuvent être poursuivis au pénal en raison d'une faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de sécurité.
- La conditions de manquements graves:
En principe, il ne peut y avoir de délit sans intention de le commettre.
Toutefois, une association gestionnaire d'ESSMS, tout comme ses dirigeants, peut être pénalement sanctionnée sur le fondement d'un homicide involontaire.
En effet, il faut prouver que le dommage résulte d'une "faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de sécurité prévue par la loi ou le règlement" et établir "que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales" qu'on pouvait attendre de lui compte tenu de la nature de ses fonctions, de ses compétences et des pouvoirs et moyens dont il disposait (C. pén., art. 121-3).
La faute est caractérisée dès lors que la personne ayant contribué à la réalisation du dommage a:
- soit "violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, (élément intentionnel est alors caractérisé),
-soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité" qu'elle ne pouvait ignorer.
Une telle faute avait été retenue par le tribunal de grande instance de Bobigny, le 21 janvier 2004, à l'encontre d'un directeur d'établissement de la maison de retraite, à la suite de l'incendie ayant causé la mort de plusieurs résidents. Il lui était reproché en particulier le manque de formation de son personnel aux exercices pratiques d'évacuation. Il est à noter que dès la responsabilité pénale d'une personne morale est engagée, celle-ci encourt, outre l'amende, la fermeture temporaire ou définitive de l'établissement (C. pén., art. 131-39 et 221-7).
L' Obligation de sécurité doit être respectée
Dans l'affaire soumise à l'examen de la chambre criminelle de la Cour de cassation le 4 octobre dernier, il était tout d'abord reproché à l'établissement de s'être abstenu "d'installer un dispositif de régulation de la température d'eau chaude empêchant les résidents d'être atteints de brûlures graves en maniant le robinet". La famille invoque à cet égard un rapport de la DDASS concluant à l'inadaptation de la robinetterie de l'établissement à la situation des personnes âgées.
Cet argument est rejeté par la chambre d'instruction de la cour d'appel. Cette dernière constate d'une part, que la nouvelle réglementation imposant une température maximum de 50° n'était pas applicable compte tenu de la date d'installation de la robinetterie et, d'autre part, que rien ne prouvait que l'accident aurait pu être évité par l'installation d'un robinet constitué d'un mélangeur à une seule manette au lieu de deux.
Absence de faute de surveillance
La personne âgée a été retrouvée inanimée dans la douche de sa chambre par le personnel, lequel est intervenu dès le déclenchement de l'alarme incendie/inondation. La famille reproche à l'établissement une découverte tardive du corps de la victime. Ce retard, qui serait à l'origine de l'extrême gravité des brûlures, est imputable selon elle au fait qu'entre 19 heures et 21 h 45, un seul veilleur de nuit était présent et chargé de la surveillance de 110 personnes âgées.
Les juges écartent ce motif et se rangent aux observations de la maison de retraite selon laquelle "aucune surveillance permanente n'était envisageable". Celle-ci faisait valoir en effet que "la nécessité d'assurer la sécurité et la protection des personnes dépendantes se heurte là à un impératif tout aussi légitime de préserver leur dignité et leur intimité", ce qui excluait de laisser les portes des chambres ouvertes et encore moins de mettre en place des moyens de contention.
Pour la Cour de Cassation, il n'existe donc pas de charges suffisantes contre la maison de retraite pour engager sa responsabilité pénale.